Beethoven et le piano
« La Lettre à Élise » et « Sonate au clair de lune »
Ludwig van Beethoven (1770-1827) est un génie hors du commun, d’autant plus qu’il fut frappé très jeune par la surdité.
Son très grand talent lui permit d’être le moteur de la transition entre le classicisme et le romantisme qui marqua l’univers de la musique culte occidentale au tournant du XIXème siècle. Compositeur accompli, ses œuvres les plus remarquables sont nombreuses et très connues du public, notamment la Symphonie nº3, la Symphonie nº7, le Concerto pour piano nº5 « L’Empereur », la Sonate pour piano nº23 « Appassionata » ou encore l’opéra Fidelio (1805-1814) et Missa Solemnis (1818-1822). L’art du compositeur s’est ainsi exprimé grâce à plusieurs genres musicaux : la musique symphonique lui a valu bien des succès, mais il est également reconnu pour son écriture pianistique et sa musique de chambre. Beethoven est l’une des figures les plus marquantes de l’histoire de la musique grâce à la lecture héroïque et optimiste que fit le romanticisme à partir des compositions de ce personnage. Le message que Beethoven transmet dans toute son œuvre semble atteindre une universalité rare qui est encore d’actualité.
Beethoven et éternelle recherche d'amour réciproque
Quelques-unes de ses pièces seraient dédiées à des femmes dont Beethoven tomba follement amoureux d’après quelques sources biographiques. La Bagatelle en la mineur « La Lettre à Élise » a notamment fortement marqué le paysage musical. Il s’agit d’une pièce brève pour piano publiée sous la forme d’un recueil et qui présente un caractère fortement contrasté. De nombreuses hypothèses tournent autour de l’identité d’Élise : il pourrait s’agir en réalité d’un certaine Thérèse de Brunswick, qui fut la fiancée de Beethoven, ou bien de Thérèse Malfattu von Rohrenbach zu Dezza, qui avait rejeté la demande en mariage du compositeur. Le morceau aurait ainsi été initialement appelé « Pour Thérèse », mais le titre illisible aurait été mal transcrit lors de la publication de l’œuvre en 1865. Quant à la structure musicale de cette bagatelle, qui est AABACA, elle adopte une forme rondo (Poco moto 3/8 en la mineur) et comporte 103 mesures. La partie centrale A présente un caractère chantant et un motif développé à la main droite qui est accompagné par des arpèges de la main gauche. La partie B adopte un style plutôt galant alors que la dernière partie, la section C, aboutit sur un aspect plus dramatique et une mélodie plus fiévreuse, transmettant ainsi toute la fougue et la frustration amoureuse d’un génie au talent incomparable.
La structure de « La Lettre à Élise » comprend trois mouvements : Adagio sostenuto en ut dièse mineur (69 mesures), Allegretto en ré bémol majeur (60 mesures) et Presto agitato en ut dièse mineur (200 mesures). Le premier mouvement, qui doit être entièrement joué entre piano et pianissimo, possède des harmonies sombres qui offrent une teinte lugubre mais profondément émotive. L’humour marque plutôt le deuxième mouvement, qui alterne legato et staccato avec des soupirs, des octaves et des sforzandos, le tout dans une tonalité très joyeuse. L’ambiance lugubre revient ensuite avec force. La passion presque violente du dernier mouvement se reflète dans la longueur et la difficulté technique de la composition : Beethoven a ainsi recours à des arpèges, des octaves brisées et des basses très puissants et complexes, exposant ainsi tout son talent dans cette conclusion si poignante.
Sonate "Au Clair de Lune", l'amour ou la mort ?
D'autre part, la Sonate nº14 en do dièse mineur (op. 27, nº2), également appelée « Sonate au clair de lune », est un excellent exemple du caractère romantique de l’œuvre de Beethoven. Le titre de « Sonate au clair de lune » ne sera donné qu’après la mort du compositeur : le poète Ludwig Rellstab mentionnera que la mélodie du premier mouvement lui fit penser « aux reflets de la lune sur la surface agitée du lac Lucerne », bien que cette partie de l’œuvre représente une marche funèbre et que toute la sonate soit considérée comme une musique de deuil, deuil d'amour et d'espoir... Cette œuvre fut néanmoins publiée avec une dédicace à la comtesse Giulietta Guicciardi, une jeune fille dont Beethoven tomba également amoureux selon les anecdotes de l’époque : il est ainsi possible de déceler un sentiment très profond et intime tout au long de la composition, ce qui est néanmoins assez contradictoire, car l'on sait que Beethoven n'aimait pas cette sonate. Le compositeur l'a écrit dans un esprit mortuaire et a interprété comme telle. L'image d'amour et de douceur vient d'interprétations bien postérieures à la mort du compositeur. Il est important de noter que les interprétations modernes, dont on a habitude, sont rendu possible par les qualités techniques dès pianos récents, ce qui n'été pas possible à l'époque de piano de Beethoven.