Rachmaninov et piano
Un artiste énigmatique
Rachmaninov (1873-1943) est un artiste russe d’une très grande puissance créatrice.
Il a su conserver un style assez romantique malgré l’évolution de son époque. Les multiples facettes de ce passionné de la musique en font un artiste complet et complexe, parfois même incompris. D’ailleurs, Rachmaninov reconnaît lui-même ses multiples façons de vivre la musique : « Je n’ai jamais totalement pu me décider ni savoir quelle était ma vraie vocation : celle de compositeur, de pianiste ou de chef d’orchestre ». Il est notamment connu pour ces Concertos pour piano nº2 et nº3 et pour son poème symphonique L’île des morts.
Les compositions de Rachmaninov se définissent principalement par la mélodie.
C'est un élément essentiel à la compréhension de son œuvre, et par sa prise de conscience de la tristesse de la condition humaine, qui resta inconsolée. Ces caractéristiques touchantes se retrouvent dans toutes ses interprétations au piano : Rachmaninov était un pianiste virtuose qui savait jouer sans théâtralité et avec la plus grande sincérité. Mais ses dons de pianiste ne s’arrêtaient pas à ses propres compositions, et il se fit également connaître en interprétant des œuvres d’autres compositeurs très célèbres, comme l’Appassionata de Beethoven ou encore la Sonate en si bémol mineur de Chopin.
Rachmaninov reste ainsi un modèle absolu à deux visages : il fut à la fois un pianiste et un compositeur accompli.
Sa technique pianistique très personnelle rassemblait des qualités rares telles que la profondeur, la pudeur et le respect le plus pur face à la musique. D'autre part, son style musical est particulièrement marqué par son usage particulier du contrepoint. Cette technique, qui date du Moyen Âge, fut sublimée par Rachmaninov qui l’employa même à grande échelle (utilisant ainsi une douzième ou une treizième note pour certains accords). Les compositions au piano de Rachmaninov sont très nombreuses : il a notamment composé des œuvres pour duos de piano (Une romance en sol majeur, Une Polka Italienne), ainsi que des œuvres pour piano à six mains (Valse en la majeur et Romance en la majeur).
Son Concerto pour piano nº2 en do mineur (op. 18) a obtenu un succès considérable. Cette œuvre extrêmement complexe se compose de trois mouvements et respecte ainsi la forme traditionnelle du concerto : Moderato, Adagio sostenuto et Allegro scherzando. Ce concerto surgit trois ans après la dépression nerveuse qui toucha Rachmaninov suite aux critiques cruelles et impitoyables sur sa première symphonie. Il est ainsi souvent considéré comme le miroir des épreuves qu’a dû traverser le compositeur durant les pires moments de son existence : le ton grave et torturé du premier mouvement reflèterait effectivement l’état de crise et les moments douloureux suite à cet échec ; le deuxième mouvement laisserait entrevoir l’aube après la nuit noire, le calme après la tempête, la lueur d’espoir qui apparaît à l’horizon ; finalement, le dernier mouvement de l’œuvre représenterait le retour aux plaisirs de la vie et à la force créatrice.
La Rhapsodie sur un thème de Paganini en la mineur (op. 43) est également une œuvre fondamentale de Rachmaninov et l’une des plus connues du grand public. Rachmaninov enchaîne 24 variations à partir du Caprice pour violon seul nº24 de Niccolò Paganini, un thème qui fut également repris par Brahms. L’œuvre peut approximativement se diviser en trois mouvements d’un concerto, même si elle se joue d’un seul tenant. Lors de l’interprétation, Rachmaninov se trouvait toujours au piano, entouré d’un orchestre. La dix-huitième variation (Andante cantabile), lente et mélodique, est de loin la plus connue de toutes les variations. Elle représente le symbole ultime du romantisme tardif du compositeur. Une certaine influence religieuse peut également être retrouvée, car cette œuvre cite également le thème du Dies Irae.
Compositeur critiqué de son temps et adulé aujourd'hui.
La signification universelle de son œuvre perdure encore aujourd'hui, même si elle fut d’abord méprisée et rejetée à l’époque par de nombreuses critiques. L’évolution des mentalités a permis de reconnaître ce musicien comme un véritable artiste à part entière. Rachmaninov, qui rendit son dernier souffle seulement quelques jours après avoir été naturalisé américain, est l’un des meilleurs pianistes de son temps, même si sa véritable personnalité reste aujourd'hui encore énigmatique et insaisissable.